Espace BTSA Epreuve T1

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Les orientations pour l'étude de ce thème

ORIENTATIONS POUR L'ETUDE
DU THÈME CULTUREL ET SOCIO-ÉCONOMIQUE

LES DÉFIS DE L'ALIMENTATION

« L'humanité n'a pas gagné son vieux combat contre la faim.»

Louis Malassis, Nourrir les hommes.

« Le bœuf froid aux carottes fit son apparition, couché par le Michel-Ange de notre cuisine sur d'énormes cristaux de gelée pareils à des blocs de quartz transparents. »

Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs.

Selon Claude Fischler, « Le principe d'incorporation » qui énonce que « Nous sommes ce que nous mangeons ! » rend problématique le fait de se nourrir et alimente les inquiétudes sur deux plans au moins, quantitatif et qualitatif. D'une part, l'augmentation des rendements, en particulier dans les pays en développement, n'a pas permis d'éliminer le problème de la faim dans certaines parties du monde. Manger y reste un souci quotidien et vital. D'autre part, dans les pays développés, manger est associé au doute et aux peurs ; les crises alimentaires y prennent la forme du risque alimentaire.

Dans nos sociétés, l'alimentation reste une composante importante du  budget des
ménages. Pour les économistes, la dynamique de la consommation alimentaire s'explique
par deux facteurs : la concurrence qui fixe le coût (le "rapport prix/produit"), et la
différenciation qui permet le service rendu (le rapport "service/produit"). Pour les
sociologues, il faut d'abord s'interroger sur la manière dont se constituent et se perpétuent les structures sociales qui déterminent les conditions de l'accès à l'alimentation, (ce que J. P. Poulain appelle « l'espace social alimentaire »).

Si manger est une nécessité, c'est aussi un plaisir et une façon d'être en société. Les
manières de table, le choix et la préparation des mets, de même que la distinction des
repas, varient dans le temps et dans l'espace, selon les continents, les pays et jusqu'à
l'intérieur d'une même société, selon les régions ou les catégories socioprofessionnelles.

Loin d'être uniquement la satisfaction d'un besoin primaire, au bas de la pyramide de
Maslow, l'alimentation relève de dimensions sociales et personnelles : la consommation est dirigée vers soi. Qu'on songe au souci de se faire plaisir en mangeant, au grignotage
anxiolytique, au snacking, à la boulimie ... L'acte de manger renvoie ainsi à l'histoire de
chacun et à celle de ses groupes d'appartenance : « On mange avec sa tête, avec ses
souvenirs, ses nostalgies d'enfance, ses habitudes familiales, sa culture
», comme le
souligne J. L. Flandrin. L'alimentation est aussi orientée vers les autres. La consommation
alimentaire, système de signes, fonctionne alors comme la communication, (cf. Mythologies de Roland Barthes) et participe de la « distinction sociale » (cf. Jean Baudrillard ou Pierre Bourdieu). Les « tabous alimentaires » existent dans toutes les sociétés (cf. Jean-Pierre Poulain et « l'espace du mangeable », ce qui est permis et ce qui est autorisé), et les aliments sont également des « totems » au sens où, porteurs de nombreuses significations, ils permettent de définir les appartenances à l'intérieur d'une société. Ainsi, selon Roland
Barthes, le vin est une boisson « totem » qui renvoie à l'identité nationale française : c'est
une « substance de conversion » (du faible en fort, du timide en hardi, du silencieux en
loquace...).

L'alimentation est donc une préoccupation qui traverse tous les champs de l'activité
humaine. Se nourrir déborde en effet largement le seul cadre de la satisfaction des besoins journaliers et du calcul d'une ration alimentaire. La manière de s'alimenter est un bon révélateur de notre existence sociale, de nos comportements, de nos peurs et de nos
envies, de nos choix et de nos modes de vie.

Quelques pistes de réflexion

Doit-on craindre de manger ?

Le paradoxe de l'abondance (Claude Fischler) souligne l'idée que l'homme est un omnivore et que le besoin correspondant de diversité est un facteur de risque. Jamais les peurs n'ont été aussi fortes et marquées. La peur des maladies cardio-vasculaires, des cancers, des intoxications, des déséquilibres, des excès... s'accompagne d'injonctions paradoxales éprouvantes : un verre de vin par jour favorise la résistance aux accidents cardio-vasculaires mais provoque le cancer !

L'obésité est devenue un problème grave de santé publique pour l'ensemble des pays
développés et en développement. Un adulte sur deux est en surpoids aux Etats-Unis et
plus d'un tiers des enfants. A l'inverse, le souci de la minceur est un facteur d'angoisse qui
se généralise à toutes les couches de la société.

Qu'est ce qu'une alimentation équilibrée ? Les contrôles de qualité et les labels sont-ils
fiables ? Les résidus sont-ils nocifs ? L'information portée par l'étiquetage est-elle sincère ?

Les aliments peuvent-ils nous soigner 7

« Que ton aliment soit ton médicament ! » (Hippocrate). Les préoccupations de santé
mettent en avant les alicaments destinés à nous donner la santé. Le coût social de la santé est-il diminué avec une alimentation équilibrée (cf. le Programme national nutrition santé - PNNS)?

Qualité et coût sont-ils incompatibles ?

La baisse des coûts va de pair avec l'élimination des bons composants et surtout avec le
rajout de substances moins nobles (édulcorants, lipides...). Les produits dont les prix ont le plus baissé sont ceux qui voient leur proportion de lipides le plus augmenter. Le déclin des
budgets consacrés à l'alimentation (cf. les lois d'Engel) n'est pas en contradiction avec les tendances à « l'alimentaire à faible coût ».

Quelles sont les conséquences de la perte du lien entre le producteur et le produit ?

A la nourriture est associée l'idée d'un produit naturel, artisanal, fait « comme à la maison
! » Les pratiques aux différents stades de la chaîne alimentaire sont mises en cause. La
diminution de la part de l'agriculture dans le prix du produit de consommation signifie aussi l'allongement des chaînes de l'alimentation tandis que l'éloignement du producteur du consommateur suscite de la méfiance ...

Se dirige-t-on vers une uniformisation et une standardisation du goût ?

La mondialisation n'est-elle pas synonyme de généralisation du modèle américain ? Au
développement de « l'alimentation ethnique » et de « l'alimentation mondialisée »
s'opposeraient la persistance des modèles régionaux de consommation et l'importance de l'autoconsommation qui témoigneraient de la résistance à la banalisation et à
l'appauvrissement des repas.

Le rituel du repas va-t-il disparaître ?

Les rythmes de travail et l'allongement des temps de transport permettent-ils encore de
manger ? Il faut manger vite (les aliments-service), manger tout prêt (le "prêt-à-manger",le "prêt à cuire", le fast food,...), manger loin (les cantines, la restauration hors foyer - RHF), manger mal, «la malbouffe»... 40% des repas sont pris individuellement. Le rituel des repas disparaît : horaires variables, diminution de la durée, simplification du contenu...

Peut-on résoudre le problème de la faim dans le monde ?

Le nombre de personnes qui souffrent à un titre ou à un autre de la faim reste stable en
longue période (autour de 820 millions d'habitants).

Plus généralement notre modèle de consommation interroge notre organisation sociale :

que/s systèmes alimentaires durables faudrait-il mettre en place qui soient créateurs,
localement, de richesse et de travail, qui permettent une répartition équitable et juste de la nourriture et qui, enfin, respectent la nature ? L'exigence de la relocalisation est de plus en plus prégnante et les systèmes alimentaires durables intègrent ce souci de la proximité en même temps que celui de la saisonnalité.

Ces quelques questions qui croisent des approches économiques, sociales et culturelles,
mais aussi historiques et anthropologiques, n'épuisent pas le thème, elles ne présupposent
aucune réponse et se veulent simplement l'amorce d'une problématique que chaque
enseignant rendra d'autant plus sensible aux étudiants qu'il se la sera personnellement
appropriée. L'approche culturelle et socio-économique de ce thème impose cependant que les enjeux culturels soient explorés au regard d'une conception large de la culture,
notamment dans ses interactions sociales et économiques, et en incluant une approche
historique et spatiale.



 



19/08/2009

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