orientations pour l'étude du thème
ORIENTATIONS POUR L’ETUDE
DU THEME CULTUREL ET SOCIO-ECONOMIQUE
OU VA LA VILLE ?
Un des spectacles où se rencontre le plus d’épouvantement est certes l’aspect
général de la population parisienne, peuple horrible à voir, hâve, jaune, tanné.
Paris n’est-il pas un vaste champ incessamment remué par une tempête
d’intérêts sous laquelle tourbillonne une moisson d’hommes que la mort fauche
plus souvent qu’ailleurs et qui renaissent toujours aussi serrés, dont les visages
contournés, tordus, rendent par tous les pores l’esprit, les désirs, les poisons
dont sont engrossés leurs cerveaux ; non pas des visages, mais bien des
masques : masques de faiblesse, masques de force, masques de misère,
masques de joie, masques d’hypocrisie ; tous exténués, tous empreints des
signes ineffaçables d’une haletante avidité ? Que veulent-ils ? De l’or, ou du
plaisir ?
Balzac,
La fille aux yeux d’or, chapitre I, 1834Et à l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides
villes .
Rimbaud
, Adieu, Une saison en enfer, avril-août, 1873OU VA LA VILLE ?
Le phénomène de l'urbanisation est planétaire. Il prend de l'ampleur. Près de la moitié de la
population mondiale vit dorénavant dans les villes (10 % en 1900) ; en France 80% (50%
en 1900). Comment rendre compte de ce phénomène ? le champ lexical de la ville est riche
et met en évidence les difficultés à saisir son évolution : ville, cité, bourg, hameau, quartier,
urbanisation, agglomération, localité, métropole…Ces mots sont tous en rapport avec les
avatars de la ville à différents moments de son histoire. Leur persistance et leur
coexistence révèlent qu'il est difficile de qualifier les transformations urbaines et soulignent
les paradoxes de celles-ci. La ville est en effet le lieu des oppositions entre luxe et misère,
richesse et pauvreté
. Elle illustre à la fois l'inclusion et l'exclusion, favorise l'intégration maiscrée aussi de la ségrégation, produit de l'autonomie mais aussi de l'aliénation, rassemble
l'élite et la marge…
La ville et l’espace : du pole central à la ville polycentrique
Où va la ville quand elle s'étend, s'élève et s'étale?
Qu'est-ce qu'une ville ? Originellement lieu de fortification et de défense, la ville est
assimilée au pole (du latin polis que l’on retrouve dans "métropole", "technopole",
"mégapole" voire "métapole"), lieu central de rassemblement et de concentration de la
population. Le faubourg (du latin foris, hors de, mais aussi falsus, faux) désigne, quant à
lui, la partie d'une ville située hors de l'enceinte, à distance des quartiers.
Aujourd’hui cette définition géographique de la ville se brouille. En France, par exemple, la
ville ne se définit plus par un seuil de population (+2000 habitants) mais par son influence
et les mouvements de population qu'elle occasionne.
Le développement urbain est hétérogène en Europe et la hiérarchie urbaine particulière :
par exemple Paris est la première aire urbaine en Europe avec 11 millions d'habitants, mais
les métropoles régionales en France font pâle figure. Par ailleurs, on assiste actuellement
au déclin des petits bourgs-centres au profit de centres urbains plus importants.
L’étalement urbain, phénomène horizontal, lié au "désir pavillonnaire" modifie le plan de la
ville et lui donne des formes complexes, éloignées du modèle concentrique. Dans cette
logique, les services marchands se délocalisent auprès des populations du périurbain, avec
des coûts d'implantation moindres. Dans le même temps, la ville remet en cause le
principe de l'empilement vertical, qui prévalait. L'urbanisme doit désormais résoudre
l'opposition entre densification des centres et développement des périphéries, entre ville
durable comme projet et étalement urbain comme réalité.
La ville, processus permanent de redéploiement économique
Où va la ville quand ses activités disparaissent, se déplacent, se renouvellent et se
réorganisent ?
La ville a gardé la trace de ses origines agricoles : le mot "villa" qui a donné ville et aussi
village, désignait originellement le domaine agricole et il n'existait pas de séparation nette
entre les différentes activités économiques.
L'agglomération apparaît peu à peu au carrefour des échanges, sur les lieux de culte et
autour des sites de défense. Elle est aussi liée à la sédentarisation des civilisations
pastorales dont les surplus alimentent la formation du clergé et de la noblesse.
Lieu de commerce, la ville moderne naît au XIIIème siècle. Sont ainsi créées les premières
"villes franches" et les bourgs. Avec la division accrue du travail, les activités industrielles
s’installent en ville jusqu'à l'époque contemporaine. Puis, le coût du foncier, les pollutions,
le coût de la main d'oeuvre tendent à séparer habitat et industrie… Localisé d'abord en
centre ville, le commerce migre en périphérie, cédant la place à de nouvelles activités de
services. Le tissu économique est en recomposition permanente et la localisation des
activités de production et de services, à l'intérieur ou à l'extérieur de la ville, est un
phénomène complexe, d'attirance et de rejet des activités productives.
La richesse se crée en ville, de plus en plus, et ce malgré les conséquences liées à la
pollution, aux encombrements, à la surpopulation, à la congestion urbaine… Faut-il
considérer et donc accepter cette congestion comme un facteur nécessaire d'innovation et
de croissance?
La ville, lieu du bouillonnement culturel
Où va la ville quand elle concentre, réunit ou oppose les modes de vie et de culture ?
Civilité, de civitas, étymologiquement manières de la ville, appartient à la même famille de
mots que citoyenneté. Les bonnes manières seraient ainsi celles de la ville et la civilisation
se confondrait en quelque sorte avec l'urbanisation ! La ville opposerait la culture, les
codes de politesse, (du terme grec polis, ville),l’urbanité, à la rusticité (de rusticus, relatif à
la campagne), à l’absence de raffinement. De la même façon la ville délimite les « écarts »
(du latin ex-quartere, le rejet du quartier) entre le bourgeois (l'habitant du bourg) et
l'aristocrate ou le paysan ; elle concentrerait les activités culturelles (cinéma, théâtre, opéra,
musée..) ; en périphérie ou à l'extérieur, la culture serait une sous-culture, voire une nonculture
!
Pourtant on constate que la ville pourrait aussi se définir comme le lieu d'élaboration des
contre-cultures ; de même la différence entre la ville et la campagne tend à s'effacer : les
jeunes ruraux auraient les mêmes valeurs que les jeunes urbains comme le soulignent
certains sociologues. On assisterait alors à une « urbanisation des moeurs » correspondant
à la généralisation de « l'esprit de la ville » : uniformisation des représentations qui rendrait
moins prégnante la distinction entre le monde des villes et celui des campagnes.
La ville en recomposition sociale.
Où va la ville quand elle attire, sépare et recompose ses populations ?
Le mot
bourgeois désigne le membre d'une classe sociale après avoir défini lecommerçant, habitant des villes. L’appartenance sociale est en effet portée par les termes
mêmes qui désignent les lieux résidentiels ; ainsi
faubourg par exemple dans lequel étaientrejetées les classes dangereuses au XIXème siècle; ainsi
banlieue : "ban" dit à la fois cequi relève de l'influence de la ville , le ban, mais aussi l'exil, que l’on retrouve dans
bannissement. Et pourtant, le centre des villes n'est plus systématiquement le lieu de
l'habitat bourgeois et la relégation emprunte de nouvelles formes : Les "gated
communities" organisent la protection de quartiers, parfois périphériques, en sécurisant
l'accès avec des clôtures, des contrôles, des surveillances, des systèmes de garde privée.
La crise des banlieues est donc aussi à envisager comme crise d'adaptation à l'évolution de
la ville. Elle porte la problématique de l'inclusion/exclusion, de l'intégration/ségrégation.
Comment assurer malgré la pratique de « l’entre-soi » la cohésion sociale ?
La ville, espace politique.
Où va la ville quand son organisation doit répondre aux pressions contradictoires
des usagers, des promoteurs, des politiques, des urbanistes, des architectes… ?
La ville est un lieu de vie recherché, pas seulement pour ses opportunités d'emploi ou son
accès à la consommation. C'est un cadre de vie attractif, chargé d'aménités. Il est
cependant de plus en plus difficile d’y circuler, et la pollution sonore et atmosphérique y est
particulièrement concentrée. Lieu d'émancipation, de culture et de création, la ville est aussi
un lieu d'aliénation, d’isolement et de solitude.
L’urbanisme n’est sans doute pas, contrairement à ce que pensait Cerdà, une science
neutre de l’organisation de l’espace : il s’agit bien d’un enjeu politique majeur. Comment
créer du lien entre les territoires différents de la ville contemporaine ? Comment
reconstruire la « cité » et avec elle la société ? Faut-il favoriser la mixité sociale ou plutôt la
mobilité sociale, en privilégiant les espaces publics, les lieux de rencontre collectifs ? Faut-il
planifier , raisonner, délimiter ou au contraire préserver la plasticité de la ville, favoriser un
désordre dynamique ?
Mouvements complexes, réalités multiformes et variables : les villes prennent des aspects
particuliers selon les continents et les pays, voire les régions. Les frontières, spatiales,
économiques, culturelles , sociales … de la ville sont de plus en plus floues à mesure que
celle-ci s'étend et que la question de la ville devient celle de l'urbain. Ces mouvements
(évolutions ou transformations ?) de la ville interrogent profondément nos modes de vie et
nos valeurs…
Ces quelques questions n’épuisent pas le thème, elles ne présupposent aucune réponse et
se veulent simplement l’amorce d’une problématique que chaque enseignant rendra
d’autant plus sensible aux étudiants qu’il se la sera personnellement appropriée. De même,
les indications bibliographiques ne se veulent ni exhaustives ni contraignantes, elles
présentent simplement des références qui peuvent étoffer ou diversifier la réflexion de
l’équipe pédagogique.
Pour étudier ce thème, il est indispensable d’établir une collaboration entre les enseignants
des modules D22 (ou M22) et D31 (ou M21) et de construire des activités
pluridisciplinaires.
Ce thème ne doit pas s’entendre comme un enseignement s’ajoutant aux programmes du
D22 (ou M22) et du D31 (ou M21).
S’agissant du D22 (ou M22), il constitue un support aux méthodes et techniques mises en
oeuvre dans le cadre du domaine : travail de documentation (bibliographies, fiches de
lecture, dossiers, enquêtes...), travail d’analyse et de réflexion (recherche de
problématiques, analyse de contenu de textes, travail sur l’argumentation...), d’expression
et de communication (entretiens, débats, exposés, produits de communication...).
S’agissant du D31 (ou M21), ce thème n'est pas un thème d'étude bien isolé au sein du
référentiel de SES, il traverse tout le programme du D31 (ou M21), et plus particulièrement
les chapitres consacrés au facteur travail, à la répartition, à la croissance et à ses
déterminants, au développement (et au développement durable)…Ce peut être un support
ou un exemple de l'analyse sociologique (la ville comme système organisé).
D O C U M E N T A T I O N I N D I C A T I V E
Quelques références essentielles
BAIROCH (P.) -
De Jéricho à Mexico : Villes et économie dans l'histoire. Gallimard, 1985.collection Arcades.
LE BRIS (E.) -
L’Afrique noire, Le monde des villes : Panorama urbain de la planète.Complexe, 1996.
LEFEBVRE (H.) -
La révolution urbaine. Gallimard, 1970.coll Idées.LE CORBUSIER.-
Urbanisme. Vincent, Fréal et Cie, 1925.MUMFORD (L.) -
La cité à travers l'histoire. Seuil, 1964.TOYNBEE (A.) -
Les villes dans l'histoire. Payot, 1972.Références actuelles :
BELAÏD (C.) -
Banlieues, lendemains de révolte. La Dispute et Regards, 2006.BOFILL (R.) -
L’architecture des villes. Odile Jacob, 1995.BURGEL (G.) -
La revanche des villes. Hachette Littérature, 2006.CHOAY (F.) -
La ville, Art et architecture en Europe 1870-1993. Centre Georges Pompidou,CDU 30644, 1994. Le règne de l'urbain et la mort de la ville.
DONZELOT (J.) -
La nouvelle question urbaine. Actes du séminaire, PUCA, 2004.DONZELOT (J.) -
Quand la ville se défait : Quelle politique face à la crise des banlieues ? .Seuil, 2006. Coll. La couleur des idées.
GURNEAU (E-P.) -
La ville citoyenne. L'Harmattan, 2005.LE GOAZIAU .-
Quand les banlieues brûlent : retour sur les émeutes de novembre. LaDécouverte, 2006.
LEFEBVRE (H.) -
Le droit à la ville. Seuil, Points, 1968.MAURIN (E ) -
Le ghetto français, enquête sur le séparatisme social. Seuil, 2005.coll LaRépublique des idées.
MONGIN (O.) -
ers la troisième ville ?. Hachette, questions de société, 1995.MONGIN (O.) -
La condition urbaine : La ville à l'heure de la mondialisation. Seuil, 2005.PAQUOT (T.) - Lussault, M., Body-Gendrot, S., (dir.).
La ville et l' urbain. La Découverte,2000. L'état des savoirs .
PAQUOT (T.) -
Que savons nous de la ville et de l'urbain? : De la ville et du citadin.Parenthèses, 2004.
PAQUOT (T.) -
Le quotidien urbain, Essai sur le temps des villes. La Découverte , 2001.PAQUOT (T.), JOUSSE (T.) -
La Ville au cinéma. Cahiers du cinéma , 2005.RONCAYOLO (M
.) - La ville et ses territoires. Gallimard Essais, 1990. coll FolioROUDAUT (J.) -
Les villes imaginaires dans la littérature française. Hatier, 1990.SANSOT (P.) -
Poétique de la ville. Klincksieck, 1973.OEuvres littéraires et cinématographiques
Quelques pistes …
Romans et poésies
APOLLINAIRE (G.) –
Alcools.ARAGON (L.) -
Le paysan de Paris.BALZAC (H. de) - Le père Goriot, La fille aux yeux d’or….
BAUDELAIRE (C.) - Les fleurs du mal, Petits poèmes en prose.
CALVINO (I.) - V
illes invisibles.CÉLINE (L-F.) -
Voyage au bout de la nuit.DOS PASSOS. (J.R.) -
Manhattan Transfer.GUENE (F.) -
Kiffe kiffe demain.MAUPASSSANT (G. de) -
Bel Ami.MENDOZA (E.) -
La ville des prodiges.RIMBAUD (A.) -
Illuminations.VERHAREN. (E.) - L
es villes tentaculaires.ZOLA (E.) -
Le ventre de Paris. La curée…Cinéma
Main basse sur la ville
La traversée de Paris
Macadam cow boy
Les lumières de la ville
Metropolis
Brazil
Manhattan
Les nuits de la pleine lune
Revues
Où va la ville ?. revue
POUR. Grep, décembre 2005, n°188.Les politiques de la ville.
Raison présente, N° 151.Monélat, X. La ville, nouveau langage du social.
Sciences humaines, janvier 2006, N°167.Perspectives pour la ville.
Philosophie magazine, juin- juillet 2006, N°2.
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